dimanche 1 avril 2018

Présence

Une vieille dame, très digne, élégante
dans son extrême dénuement, m'a confié un
mot. Un seul. Nous étions dans une chambre

d'hôpital, il faisait beau au dehors mais
la lumière y demeurait froide et terne.
Sa parole mesurée, exténuée, se teintait

çà et là d'humour. Nous parlâmes de Zola
et de Madame de Sévigné. Elle connaissait
Grignan pour y être allée avec son mari,

du temps que les orangers fleurissaient. 
À un moment donné, alors que nous étions
seuls, elle me confia ce mot en testament

de vie : présence. Puis elle prit congé
de moi, voila ses yeux bleus délavés et
rejoignit le monde des songes. Depuis, je

porte ce mot en moi, le tourne et le retourne
dans ma bouche, sans oser le prononcer. Une clé.
Une clé pour bien vivre, ou pour vivre mieux, ou,

tout simplement pour s'apporter un peu de chaleur
les uns aux autres. Entre passé et futur, il n'est
de présent sans présence. Au monde. Aux autres. À soi.