vendredi 21 octobre 2016

Dos regals, una mateixa amistat

M'han regalat dues obres de paper.
Un bitllet de loteria prim i un llibre
gruixut. Els dos a tot color i olor.

D'origen i ús distint. No jugo mai
a la loteria però llegeixo molt.
Un home i una dóna me'ls han oferit.

De bon cor. I en observar el bitllet,
olorar i començar a llegir la novel·la,
retrobo mentalment la rialla de la Merche

i el somriure del Màrius. Quins regals
magnífics. Em sento l'home més feliç del
món. I si els meus versos us semblen fats,

és perquè m'he descuidat l'estil i la
voluntat de deixar rastre efímer. Ara el
rastre és seu i la meva gratitud immensa.


jeudi 20 octobre 2016

Le parti-pris du belvédère

à L. R.

On dit que le paysage est né
au XVIe siècle, avec l'individu.
Portion de territoire embrassée
par le regard personnel.

Le belvédère a suivi qui soignait
l'observation en la délimitant.
Une amie très chère m'a dit

qu'elle aimait le mot. Je l'ai 
écoutée puis je me suis interrogé.
Comme elle, j'aime les belvédères.

Mais mes belvédères sont intérieurs.
Parodiant le diable boîteux de Lesage,
je me place dans l'angle ombreux

d'un café et je bois la vie alentour.
Conversations d'amies sur fond de jeux
télévisés, vaisselle parsimonieuse

derrière le comptoir. Allées et venues
des clients habituels qui, vieillissants,
y mendient leur salut quotidien.

Tenez, ce soir, à l'heure où les chiens 
ont des dents de loup, je me suis assis
dans un quartier oublié de tous

et qui donna pourtant à la France un premier
ministre renégat. Et là, au Quimet, tout contre
les vitrines de mignonnettes dépoussiérées,

j'écoute, regarde, et deviens homme, à petites
lampées. Que serais-je sans ces habitués qui,
sans le savoir, m'ont ouvert les bras ?




Cafeteria Berlin

Diagonal, cantonada Muntaner.
Són les quatre. «Stand by me»,
sona en italià. Quants anys...

Hi solia venir anys enrere,
com per a prendre-li el pols
a la ciutat. Música, gent,

converses. Pols... Tanta pols
pels carrers i el temps que
m'està despullant l'ànima.

Ganes de viure, senzillament,
com m'ho ofereixen amigues i
amics. D'escriure també,

amb poques exigències. Fixar-me
en la cambrera, la seva rialla,
el seu accent argentí quan

proposa una «tarta de queso»,
abans d'emprendre el camí cap
al vapor de la màquina d'acer

inoxidable. Ja no parla el cambrer.
Escombra amb parsimònia, capcot.
Quantes idees. Em quedaré encara

uns minuts i seguiré el meu camí,
diagonal avall. Capcot? Rai: cap
al Clot per a preparar-hi l'estada

d'una amiga tan preciosa que la ciutat
es nega a prendre-me el pols per a 
saludar-la amb sons de cello morat.




mardi 18 octobre 2016

Le phoète i el foeta

à Lionel Itié et Pau Gener

J'ai deux amis à l'œil vif.                      Tinc dos amics de l'ull viu.
L'un est phoète, il voyage                      Un d'ells és phoète, viatja
entre lune et étangs.                               entre lluna i estanys.

Cela fait bien des années que                 Portem anys i panys collint

nous cueillons le monde, lui avec           el món, ell amb el seu objectiu,
son objectif, moi avec ma voix               jo amb la veu com eina.

Nous avons déjà un livre dans notre       Ja tenim un llibre a la nostra alforja

besace et les images éveillent sa            i les imatges li desperten
voix qui les épouse juliennement.           la veu, unint-se julianament.

L'autre ami, je le connais si peu.              L'altre amic, el conec tan poc.

Il est foeta et ne le sait pas.                    És foeta i no el sap pas encara.
Sa lumière emporte la voix                     La seva llum s'enduu la veu

des rhapsodes de mon île adorée dels rapsodes de la meva illa

Promeneur inlassable, il me montre         adorada. Passejant tafaner, m'ensenya
le chemin de la vie. Silencieusement. el camí de la vida. Silenciosament. 
  

lundi 17 octobre 2016

Un rire

Inattendu. Mes yeux se lèvent
et la découvrent. Un mot, ou deux,
je plonge aussitôt. Je ne la regarderai
plus. Elle a à faire. Et à lire.

Je revis son rire bref, comme les orateurs
anciens faisaient rouler les galets en bouche.
Peu importe la raison de cette brisure.
Elle est libre et signe

l'individu au milieu de la masse en mouvement
des clients d'une cafétéria ordinaire. Elle porte
un imperméable clair cintré. Je ne vous en dirai pas
plus. Il est seize heures vingt et l'instant s'installe.

dimanche 16 octobre 2016

Et si...

Et si je prêtais ma voix ?
À la lecture d'un poème,
à un pastiche, une rare
performance.

Un spectacle lointain, déserté
par la pluie et les pleurs,
ravagé par la lumière aveuglante
de confessions intimes ?

Je n'y perdrais rien. Une fois prêtée,
la voix me reviendrait, plaisamment,
et je rirais volontiers de
l'apauvrissement

de sa digitalisation, bit à bit,
comme les cendres de l'ami couvrent
la silhouette du Dude du Big
Lebowski.

Si je prêtais ma voix, elle ferait
sourire, tout au plus, mes copains,
habitués aux facéties d'un orateur
déplumé.

Mais je me mentirais. La voix ne se
prête. Elle se confie ou se donne.
Un jour, aux vieux ne plaise,
je le ferai.


vendredi 7 octobre 2016

Patiemment

Patiemment j'effeuille la bibliothèque des années
tendres de ma mère. En Lorraine, au Maroc puis dans
le Nord. Des volumes bon marché, aux reliures de verre

et aux pages grises, malodorantes et qui me captivaient.
À la différence des cahiers rose de l'hebdomadaire Elle
qui m'initièrent au corps de la femme et que je lisais

à la dérobée, je n'allais pas plus loin que les titres,
en remettant la lecture à des lendemains dont je ne savais
si la vie me les offrirait. Je sens l'heure venue. 

Et patiemment je m'y engage. Après Bonjour tristesse et
le Rempart des Béguines, viendra la série des Claudine
de Colette. Un long chemin vers la libération de la femme

qu'elle connaissait par le menu mais dont, mère admirable
et épouse subjuguée, elle ne sut pourtant pas goûter les 
fruits enfin mûris. Jusqu'à cet été d'une libération inattendue.

Une feuille de laurier

Une feuille de laurier,
détachée de la couronne
divine. L'alpha et l'omega

d'une rencontre improbable
dont il aurait juré qu'elle
était le fruit de la fantaisie,

n'était l'amie fiable qui lui
avait confié son nom. Un petit
travail les avait rapprochés,

voici quelques semaines. La traduction
de huit poèmes d'un auteur de lui aimé
sans qu'elle n'en sût jamais rien.

Elle habitait loin, entre deux villes
dont elle ne parlait jamais. Elle aimait
la menthe poivrée, le silence et la pénombre.

Sa cuisine était voûtée, telle l'orbe d'un monde
en petit. Elle traquait la souffrance, la pressait
comme un citron avant de la crire sur le clavier

d'un vieux Mac barcelonais. Le travail bouclé, 
il pensait ne plus la relire. Ou à l'occasion,
à Pâques ou pour la Trinité. Le temps les distinguait

bien plus fort que l'espace. Elle ouvrait les yeux à
la vie quand il revenait du collège sur un vélo aux
roues voilées. Et l'échange, étrangément, s'accéléra.

Les mots étaient brefs, allusifs. Un implicite naissait.
La collusion de l'assassin et de sa jolie mémorialiste.
D'elle, il avait appris l'accessoire, comme de l'État civil,

mais aussi l'essentiel. Des rencontres fortes et définitives,
deux enfants aux prénoms de fado et de fatum, qu'elle aimait
par dessus tout. Elle lui demanda de ramasser sa vie sur une

page de pixels, d'une langue convenue mais consciente de son
originalité. Il aurait pu l'aimer. Elle avait mieux à attendre.
Le soir tombait et le vent atlantique l'appelait.

La peine est bleue

La peine est bleue, le soir,
dans la lumière artificielle
du cosy. En feuilles d'acanthe,

en volutes sages et douloureuses.
Je ne le savais pas. Ai-je connu
la peine, latente, corrosive ?

Bien sûr j'ai été triste, triste à en
mal vivre. Mais peiné ? Je ne sais,
moi qui jamais ne fus femme ni mère.

jeudi 6 octobre 2016

La chemise

Elle traverse le pont neuf, sans voir, à droite
l'antique cathédrale. Elle marche vite et le trottoir
est étroit. Elle a quinze ans, ou seize, ses oreilles

sont cachées par de gros écouteurs roses, relief ultime
des peluches enfantines. Il fait encore chaud malgré
l'arrivée de l'automne et elle a noué autour de sa taille

une chemise blanche et noire aux motifs qui m'échappent.
Je n'en saurai pas plus. Pourquoi pensé-je soudain à sa mère,
au terme de la ville, lavant puis repassant la chemise nouée ?

Una mare

Diuen que la tardor s'instal·la,
no la veus. Un sol implacable et
força a fregar els edificis foscos.

Mes en tornar a casa, t'adones d'un
silenci nou, fred i no pas tebi.
La gata no apareix per a festejar-te

o reprotxar-te l'absència. L'habitació
que t'has decidit a llogar és immensa.
Els llençols rebregats encara fan olor

de les rialles del fill estimat. Endreces
la casa, li dónes (amb diacrític) un caire
distint i igual. Com s'hi trobarà la noia

francesa que vindrà aviat? No pateixis, no
t'amoïnis. S'hi estarà bé. La mar de bé.
Com el fill petit a Terrassa. I ja veuràs

quan torni, aquest petit gran aprenent de
comediant, t'ensenyaràs coses i et semblarà,
encara més homes i valent. Xalaràs. I m'ho diràs.

dimanche 2 octobre 2016

Cum grano salis

Un grain, un seul, tiré de la terre
de Silésie ou chipé sur le bas-côté
des salins d'Aigues-mortes.

Le plus beau des diamants sous le froid
microscope ou un escalier pyramidal dans
ta cité de verre.

Un grain pour bousculer l'ordre et briser
les échelles. Lilliput, montre-moi ta folie,
je m'y reconnaîtrai plus qu'un amant anglais.

Le cacher dans la poche du blouson, tout contre
la couture et, sans qu'elle s'en aperçoive, d'un
trait de plume, le déposer sur la lèvre inférieure

de l'unique. Le prisme pyramidal habitera alors
peut-être ses yeux et le bonheur t'emportera un
temps, un seul ; tout le reste importe peu.

A veure

A veure si algun dia escriuré en occità,
si se'm quedarà un alè de vida potent.

De moment, bec de les seves paraules i
dels consells que em dóna l'amistat.
Amb accent, que en això s'equivoquen

els acadèmics. L'accent és de cor,
memòria i passat. Les generacions

futures donaran en present sense accent
individual. Potser. O no. Però no ens 
el treuran mai i, si s'entesten, me'l

posaré circumflex: «Dôna». I a veure
si les dones em seguiran. Una, almenys.

Un bany

Un bany. No pas qualsevol.
Un bany de tardor de dues
amigues, entre roca i ones.

No hi era. L'una d'elles me'l
contà amb una foto i onze mots.
Com un regal al món, una petjada,

dues, millor quatre, que la mar,
cobejosa de vida s'empassà, però
que l'amistat profunda em dugué.



Quelques vers pour mon ami Lionel

Plus de dix jours sans écrire le moindre mot,
à boire les cailloux durs d'un poète de combat
au féminin si brun. Puis l'envie soudaine

qui se glisse cependant que le petit, à mes côtés,
mime l'écriture d'une pointe rose sur sa feuille
verte, avant de chaparder l'ultime flûte au fromage.

La tête me bat encore d'une soirée de cochonnailles,
vins et bourbons avec l'ami Lionel, primus inter pares.
Les mots chaleureux d'un présent encré de passé vécu

ensemble ou à distance. Le pudique côtoyait le graveleux
bon enfant. Que de rires et de devis sur fond de Marvin Gaye.
Bien sûr je pourrais vous en narrer le contenu dans le détail

mais ne le ferai pas, moins du fait des brumes croissantes
qui blanchirent la nuit noire que parce que l'amitié s'évoque,
se dit parfois, mais jamais ne se conte. Du moins n'ai-je jamais

su comment m'y prendre. Et qu'importe. En me lisant, lui saura.
Pour le reste, écran ouvert, à un bout de table, une maquette
de noir et de couleur attendait. Notre premier livre à deux !